[AVANT-GARDE]. BRETON (André). [SARTRE (Jean-Paul)].

PRÉCIEUX EXEMPLAIRE DE LA PASSATION DE POUVOIR
 ENTRE LE SURRÉALISME DÉCLINANT D’ANDRÉ BRETON
ET L’EXISTENTIALISME TRIOMPHANT DE  JEAN-PAUL SARTRE.

 

 

[AVANT-GARDE]. BRETON (André). [SARTRE (Jean-Paul)].

Les Manifestes du Surréalisme, suivis de Prolégomènes à un troisième Manifeste du Surréalisme ou non.

Paris, Éditions du sagittaire, [1946].

In-12 (19 x 12,1 cm) de 211 pp. et (3) pp. – Broché, couvertures imprimées, étui-chemise moderne de Benjamin Elbel.

4 200 €

 

ÉDITION EN PARTIE ORIGINALE.

TRÈS PRÉCIEUX EXEMPLAIRE OFFERT PAR ANDRÉ BRETON À JEAN-PAUL SARTRE À UN MOMENT CHARNIÈRE DE LA VIE INTELLECTUELLE OÙ L’EXISTENTIALISME PRENAIT LE LEADERSHIP DE L’AVANT-GARDE

Il est des envois qui sont aussi éloquents pour leur épure que pour leur exubérances amicales ou admiratives. Entre ces deux monstres sacrés de la vie intellectuelle du XXe siècle, on aurait pu s’attendre de la part d’André Breton, que l’on a connu plus prolixe dans ses envois manuscrits, qu’ils aient été spontanés ou de commande…, à un peu plus de chaleur confraternelle. La sobriété de l’envoi : « À Jean-Paul Sartre très amical souvenir d’André Breton » s’avère en fait extrêmement précieux et signifiant quand on le replace dans son contexte historique.

Parue en 1946, au lendemain de la fin de la Seconde Guerre mondiale que Breton passa à New York loin du tragique quotidien de l’occupation de la France, cette première édition collective propose l’ensemble des Manifestes du Surréalisme, avec un avertissement pour la réédition du Second Manifeste du Surréalisme qui parait ici en édition originale.

Dès son retour en France, Breton a nourri d’espoir de rétablir le surréalisme au premier rang de la vie intellectuelle et artistique française. Il était convaincu que l’humanité allait se dresser contre les structures sociales aussi bien capitalistes que communistes, qui une fois encore avaient failli provoquer sa perte et que le surréalisme qui n’avait jamais cessé de se poser en critique de ces structures serait appelé à jouer un rôle majeur dans la reconstruction de la société.

Il dut cependant en rabattre, car l’après-guerre allait révéler de manière aiguë combien le désaccord de Breton avec son temps était grand et à quel point il fut contraint de se battre contre l’oubli ou l’indifférence. Sa longue absence le faisait apparaître aux yeux de beaucoup comme un étranger, voire un lâche, et c’est tout juste si on ne l’accusait pas d’être un traître, notamment pour ne avoir appartenu à la résistance. Le désintérêt était assez général et l’opinion largement répandue selon laquelle le surréalisme était purement anachronique et sans attache avec la réalité de l’après-guerre.

C’était le moment de Sartre et l’existentialisme naissant semblait alors cristalliser les espérances et les angoisses nées de l’occupation. Cette jeunesse enthousiaste qui se rassemblait autour de Sartre aux Deux Magots n’était pas sans rappeler celle pleine de fougue qui entourait jadis Breton au Cyrano.

Sartre selon Claude Mauriac balayait d’un revers de main le surréalisme ; il y voyait un des phénomènes de l’autre après-guerre, comme le Charleston et le yoyo. Il ne cessera d’être identifié à une situation intellectuelle qui pour beaucoup appartient à l’histoire de la première moitié du siècle. Quant à Breton lui-même, Sartre en parla en 1947 dans Situations II. Dans le dernier chapitre Situation de l’écrivain en 1947, Breton se voit épinglé pour une vocation bourgeoisement littéraire et reprocher d’avoir trahi le mot d’ordre de Marx : « changer le monde » !

C’est cette « passation » de pouvoir et de leadership au sein de l’avant-garde du « champs intellectuel» pour reprendre l’expression de Bourdieu qui transparait de l’envoi de notre exemplaire et le rend somme toute si signifiant ; une manière d’abdication d’un Breton de retour d’exil vis-à-vis d’un Sartre alors maître de l’ « énergie » intellectuelle du moment d’après la tragédie.

Précieux exemplaire.

4 200 

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